FRISE CHRONOLOGIQUE 1795

auparavant, pour la plupart des spécialistes, les grottes et leur exploration étaient le monopole de nos congénères Homo sapiens, poursuit le chercheur. Or, la datation obtenue prouve que celui qui a exploré et aménagé Bruniquel ne peut être que l’homme de Néandertal. » C’est en effet le seul membre de la famille humaine à avoir occupé l’Europe entre 450 000 et 40 000 ans avant aujourd’hui. « La découverte de Bruniquel est exceptionnelle. Elle ouvre des perspectives inédites sur les comportements de Néandertal. » confirme Bruno Maureille, directeur de recherche au CNRS et paléoanthropologue au Pacea. Les critères morphologiques établis il y a plus d’un siècle pour caractériser un Néandertalien demeurent valables aujourd’hui : une large cage thoracique en forme de tonneau, des os plus massifs et un crâne aussi, voire plus volumineux que le nôtre, un front fuyant, des bourrelets osseux au-dessus des orbites, une face projetée en avant et une sorte de chignon osseux à l’arrière du crâne. Néandertal était vu comme un brouillon d’homme moderne, le chaînon manquant entre le singe et l’homme. Des caractères physiques qui, combinés aux préjugés raciaux de la Belle Époque et au fait qu’on disposait alors de très peu d’indices sur son comportement, ont d’emblée conduit à fixer cette mauvaise image de Néandertal : une version mal dégrossie, voire b estiale, de l’homme moderne. Cette idée simpliste, qui a perduré pendant la majeure partie du XXe siècle, d’une lignée humaine dont des espèces se seraient successivement remplacées à mesure qu’elles « progressaient » vers l’homme moderne, a été définitivement réfutée par les découvertes de ces vingt dernières années. « La représentation de l’évolution humaine où l’australopithèque se redresse et se transforme en Homo habilis puis en Homo erectus et enfin en Homo sapiens doit sa popularité au fait qu’elle est facile à mémoriser et à comprendre. Le problème c’est qu’on sait aujourd’hui qu’elle est complètement fausse. » relève Antoine Balzeau. Les mises au jour d’Orrorin tugenensis, de Toumaï, de l’homme de Florès ou d’Homo N aledi ont montré que la famille humaine n’a pas évolué selon une lignée, mais qu’elle se présente plutôt comme un buisson dont certaines branches ont disparu brusquement, dont d’autres se sont mélangées et dont une seule, la nôtre, persiste aujourd’hui. On s’est ainsi aperçu qu’à de nombreuses reprises, plusieurs espèces humaines s’étaient simultanément dispersées sur la Terre. La longévité et l’extension géographique de l’espèce démentent clairement la hiérarchie implicite qui, plaçant Homo sapiens au pinacle, faisait de Néandertal un « raté » de l’évolution. Si les Néandertaliens ont perduré un demi - million d’années, conquérant tout l’Ancien Monde à l’exception de l’Afrique et de l’Extrême - Orient, c’est bien qu’ils ont longtemps été parfaitement adaptés à leur milieu. Au moins autant que les hommes modernes, qui existent quant à eux depuis moins de 200 000 ans…

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