FRISE CHRONOLOGIQUE 1795
derniers déduisaient des morceaux de calottes ou des formes des mandibules, les premiers cherchaient à le développer par le modelage et la polychromie, jusqu’à obtenir des bustes ou des mannequins grandeur nature. Cette collaboration a permis, dès les années 1870, les premières reconstitutions du pithécanthrope de Java, de l’homme de Neandertal et de celui de Cro - Magnon. Elle s’est poursuivie depuis, en s’améliorant au rythme des fouilles et des méthodes de plus en plus perfectionnées d’observation et de déduction, jusqu’à l’époque actuelle où les analyses d’ADN vont de pair avec l’usage des logiciels et de la 3D pour essayer de donner un visage vraisemblable à l’australopithèque Lucy ou aux magdaléniens des rives de la Vézère. Ces productions contemporaines sont censées tendre à la plus grande exactitude. Or, non seulement des différences sensibles séparent les représentations du même individu, mais bien des détails de leur apparence ne peuvent être justifiés par la science. Les différentes versions de Lucy, un fossile découvert en 1974 en Ethiopie, estimé à 3,2 millions d’années d’ancienneté , révèlent ainsi des disparités surprenantes. Cet Australopithecus A farensis, aujourd’hui considéré comme une espèce cousine du genre Homo, était-il un petit être gracile au corps recouvert de poils sombres et à la face simiesque ? Ou était-il plus humain, moins velu, plus féminin et doué d’un regard curieux ? Ou son anatomie était -elle plus nettement sexuée, avec des fesses et des seins proéminents ? Il suffit de peu pour que la figure bascule d’une représentation à l’autre. Or ce peu est indécidable. Les données scientifiques sur Lucy, dont plusieurs chercheurs affirment qu’il s’agit d’un sujet masculin, ne permettent pas de fixer avec certitude des détails qui affectent fortement la perception que l’on peut avoir aujourd’hui de ce stade de l’évolution humaine. Ce qui vaut pour Lucy vaut pour le crâne de Toumaï, découvert au Tchad en 2001, dont on connaît des portraits glabres et d’autres velus. Et vaut pour des stades bien plus récents, jusqu’au paléolithique supérieur. Les questionnements sont nombreu x. L’homme de Neandertal avait -il les yeux bleus ? Les Aurignaciens qui ont dessiné les lions du Pont- d’Arc étaient -ils noirs ou blancs de peau ? Même question pour les hôtes de la grotte de Lascaux (Dordogne). Difficile de répondre à ces interrogations, faute d’éléments matériels : les tissus cutanés et les systèmes pileux de ces êtres, et donc, pour les plus proches, leurs coupes de cheveux, leurs éventuelles peintures corporelles, scarifications et tatouages, leurs tenues vestimentaires n’étant évidemm ent pas été conservés. Parmi les rares chercheurs qui se sont attachés à définir leur pigmentation, c’est -à-dire leurs couleur de peau, l’anthropologue Nina Jablonski (Pennsylvania State University) propose une chronologie fondée sur des corrélations entre évolutions des caractères physiques, circonstances climatiques et modes de vie. L’évolution de la pigmentation de l’espèce humaine aurait donc pris des milliers d’années pour en arriver à la répartition contemporaine. Nina Jablonski trouve d’ailleurs dans celle -ci une preuve
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